Abdelwahab Meddeb, poète voyageur
Romancier, poète et essayiste, Abdelwahab Meddeb portait en lui une infinité de mondes.
Auteur d’une œuvre profuse, qui regarde aussi bien vers la philosophie, l’art et la littérature, il avait une profonde connaissance de la Renaissance italienne, de l’architecture arabo-islamique, des littératures européenne et arabe. La tradition du soufisme était sa véritable patrie et sa source d’inspiration majeure. Admirateur des grandes figures du mysticisme musulman de Ibn ‘Arabi à Sohrawardi, sans oublier Rûmî et Bistami qu’il a traduits, Meddeb avait la conviction que le soufisme était appelé à jouer un rôle décisif dans la renaissance de la civilisation islamique.
Islam et modernité
À partir de 2002, il consacre une partie de son œuvre à penser la relation entre Islam et modernité. Il publie, au lendemain des attentats du 11 septembre, La Maladie de l’Islam (2002), un essai très commenté dont l’ambition est de comprendre de l’intérieur les origines du terrorisme islamiste et de l’intégrisme religieux qui se propagent dans le monde musulman. Il revient ainsi sur les luttes internes qui ont traversé l’Islam depuis le VIIe siècle en dégageant l’enjeu central du rapport au texte coranique et à la littéralité. Pourfendeur de l’« idéologie islamiste », qu’il n’hésite pas à qualifier de totalitaire, le dialogue entre les cultures occupe chez lui une place centrale, et passe par un travail d’approfondissement et de remémoration des sources multiples qui constituent les cultures de l’islam.
Une œuvre plurielle
Parmi ses nombreuses publications :
Essais : Le temps des inconciliables, 2017, Seuil
« Abdelwahab menait un double combat contre l’intégrisme musulman et pour la reconnaissance de l’apport culturel de l’islam. Ce recueil rassemble une sélection de ses dernières chroniques et tribunes dans lesquelles, en poète engagé, il cherchait le remède aux maladies de l’identité.
“les inconciliables” ne sont pas ici l’Occident et le monde musulman, mais, de chaque côté, les religieux et les propagandistes du “choc des civilisations” face auxquels se dressent les partisans de l’ouverture à l’autre. En démasquant les prêcheurs de haine, Abdelwahab Meddeb continue de nous alerter sur les désastres en cours et les périls à venir, mais aussi de nous donner des raisons d’espérer. »
Poésie : Portrait du poète en soufi, 2013, Belin
« Le poète, soufi d’un nouveau genre en quête de la poésie globale de notre temps, trouve sa matière en réinventant sa patrie dans un nomadisme à l’horizon du monde. Hors de tout dogme, le rêve de “verbe intégral” brise le miroir : il en restitue les éclats par le fragment qui transcrit le détail capté par le corps sismographe traversant les territoires des langues d’Orient et d’Occident. Ces échappées le conduisent vers le lointain, de la Corée aux Caraïbes, du Bengale à la côte ouest de l’ Amérique ; et sur une scène plus proche, ses haltes enchaînent Tunis à Berlin, Tanger à Paris, Madrid ou Lisbonne au Caire, Alexandrie à Siwa, Jérusalem à Istanbul. »
Romans : Talismano, 1979, Christian Bourgois
« Meddeb ne promet rien – qu’une débauche. Celle, d’abord, des sens – à l’entrée du roman, une ville Tunis, se déploie, odeurs et ombres, comme l’assouvissement d’un désir érotique. Mais aussi du sens – ravivant l’hérétique et le païen, le roman s’achève par le sacrifice d’un taureau. Talismano dessine la mosaïque secrète qui emboîte la tendresse des corps à la transe de la foule… Sans doute fallait-il un étranger, c’est-à-dire quelqu’un qui ne ressemble pas à son image, pour que le français, qui n’y est pas docile s’ouvre ainsi à l’ivresse. »
Gérard Dupuy, Libération
« Talismano a aussi cette qualité rare – que l’on retrouve entre autres chez Artaud d’Héliogabale, le Céline du Voyage ou le Burroughs des Enfants sauvages – d’être sombre de dansante et agressive manière. »
Malek Alloula, Le magazine littéraire
« C’est un écrivain exceptionnel qui, en français, dit magistralement l’Islam. »
Gilles Costaz, Le Matin de Paris
« Cette recherche et ce blasphème s’inscrivent parmi ce qui nous est venu de plus fort du Maghreb depuis Kateb Yacine. »
Jacques Berque, Le Monde
Bibliographie complète
Romans :
Talismano, 1979, Christian Bourgeois, 1987, Sindbad
Phantasia, 1986, Sindbad
Traductions :
T. Salih, Saison de la migration vers le Nord, 1983, Sindbad, 2 éd, 1996 Babel
Les dits de Bistami, 1989, Fayard
Poésie :
Le tombeau d’Ibn d’Arabi, 1987, Noël Blandin
Le Bâton de Moïse, 1989, Génération
Récit de l’exit occidental par Sohrawardi, 1993, Fata Morgana
Les 99 stations de Yale, 1995, Fata Morgana
Blanches traverses du passé, 1997, Fata Morgana
Le Rêve de Samarkand, 1997, Fata Morgana
Aya dans les villes, 1999, Fata Morgana
Matière des oiseaux, 2001, Fata Morgana
Saigyô, Vers le vide, 2004, Albin Michel
L’exil occidental, 2005, Albin Michel
Portrait du poète en soufi, 2014, Belin
Théâtre :
La Gazelle et l’Enfant, 1992, Actes Sud-Papiers
Essais :
La Maladie de l’islam, 2002, Le Seuil
Islam, la part de l’universel, 2003, Adpf
Face à l’islam, 2004, Textuel
Contre-prêches, 2006, Le Seuil
La conférence de Ratisbonne, 2007, Bayard
Sortir de la malédiction, 2008, Le Seuil
Pari de civilisation, 2009, Le Seuil
La plus belle histoire de l’humanité, avec André Glucksmann et Nichole Bacharan, 2009, Le Seuil
Printemps de Tunis, 2011, Albin Michel
Histoire des relations entre juifs et musulmans. Des origines à nos jours, avec Benjamin Stora, 2013, Albin Michel
Instants soufis (posthume), 2015, Albin Michel
Le temps des inconciliables. Contre-prêches 2 (posthume), 2017, Le Seuil
Films / Expositions / Catalogues :
Miroirs de Tunis, film de Raúl Ruiz, scénario et voix d’Abdelwahab Meddeb, 1993
Ré Soupault, Tunis, 1938-1942, Verlag der Wunderhorn, Heidelberg, 1996
L’Occident vu d’Orient, 2005, CCCB
(Sur)exposée Tchétchénie, avec Maryvonne Arnaud, 2005
Entretiens :
Abdelwahab Meddeb, textes de Claude Ollier et Anne Roche, entretien réalisé par Jabbar Yassin Husin et Xavier Person, 1993, Office du Livre en Poitou-Charentes, Ville de Poitiers